On ne peut entendre cet Evangile, sans être gêné, voire irrité. D’abord parce que ce « Aimez vos ennemis », n’est pas du tout naturel. Et puis notre Seigneur est-il bien réaliste, lorsqu’il demande à ses disciples d’être le sel de la terre, ajoutant que s’ils perdent leur saveur, ils mériteront d’être foulés aux pieds par les hommes ? Il leur rappelle ainsi qu’ils seront point de mire, avec de redoutables questions concernant leur foi et leur comportement.
Or, nous sommes tous bouleversés par l’actualité. L’Église est traversée par la douloureuse expérience en son sein, de comportements déviants, désordonnés, pire, de la pédophilie. A l’image de Benoit XVI et du pape François, nous ne voulons pas mettre cette triste réalité sous le couvercle d’une fausse discrétion. La crédibilité du clergé est gravement affectée. Il ne suffit pas de dire que d’autres grands organismes sont touchés, eux-aussi. Ce serait participer à l‘hypocrisie ambiante qui, tout en promouvant un esprit hédoniste, pointe plus particulièrement et d’une manière suspecte, l’Eglise comme cible, dans la perspective proche de lois sociétales préoccupantes à plus d’un titre. L’Eglise a le courage de faire le ménage. Elle ne balaye pas que devant sa porte, mais à l’intérieur même de sa maison. Il en va de la vérité de la foi et des comportements qu’elle induit. Le travail de l’Esprit-Saint peut être obscurci par le péché des hommes, en Eglise et dans le monde. En référence directe à l’Ecriture, nous voyons là, le combat des ténèbres et de la Lumière. Chaque chrétien, (à fortiori s’il est ordonné), doit y suivre une voie de purification dans l’humilité, l’oubli de soi, l’intégrité et la pureté de vie.
L’Histoire de l’Église, et singulièrement celle des saints qui l’ont illustrée tout au long des siècles, nous dit que c’est toujours la sainteté qui lui a fait retrouver le chemin de la vérité’. Plus que jamais, contemplons le témoignage, implorons les martyrs d’hier et d’aujourd’hui. Ils manifestent aux quatre coins du monde, leur attachement réel à Jésus-Christ et son Eglise. Ils en sont l’honneur. Face aux clercs qui ont failli gravement et pour lesquels nous demandons vraiment pardon, regardons la grande majorité des autres qui vivent profondément leur ministère. A la laideur, opposons la clarté d’une vie authentiquement chrétienne.
Ayant lu un article de Dom Louis-Hervé Guiny, reçu avec les séminaristes de la communauté Saint Martin, à la métropole Notre Dame des Doms, le 28 janvier dernier, j’y ai trouvé tout ce qu’un cœur de chrétien et de prêtre peut désirer vivre. Le mot de saint François de Sales qui l’introduit donne le ton : « Le bien ne fait pas de bruit, le bruit ne fait pas de bien ». Avec le fraternel accord de son auteur, je peux aujourd’hui, vous le partager.
La fidélité fait rarement parler d’elle. Et pourtant n’est-ce pas cette vertu qui caractérise tant de couples, tant d’amitiés et, disons-le, tant de prêtres ?
La Fidélité, telle est la richesse du célibat, que tant de prêtres ont conscience de porter dans des vases d’argiles. Aussi l’Église leur demande-t-elle de veiller sur ce trésor et de se comporter avec liberté et prudence. Et ils sont nombreux, hier et aujourd’hui, les prêtres qui, par amour du Christ, de l’Église et de leur peuple, se donnent sans compter, fidèles à la promesse de l’ordination. Les peines, les épreuves, les doutes, les chutes, les remises en cause intérieures et extérieures n’arrivent pas à atteindre le cœur de leur amour originel pour Jésus-Christ. Un jour, tous ces prêtres ont dit leur « oui » dans le Oui de Jésus. Et, de manière surprenante, cette fidélité ne fait pas de bruit. Elle semble normale, naturelle et évidente. Elle est pourtant éloquente pour ceux qui sont animés par une réelle bienveillance à l’égard des prêtres. Doit-on être surpris d’une telle discrétion sur ce sujet ? En fait, non. C’est le propre de tout ce qui est bon et bien de faire peu de bruit. Cela paraît normal. L’extraordinaire de la fidélité vécue dans tant de vies, qui apparaissent ordinaires, révèle bien la puissance de l’amour, du don de soi, d’un esprit de sacrifice assumé et offert. Beaucoup de prêtres le vivent. Beaucoup de couples le vivent. Jésus-Christ le vit en nous et pour nous. En réalité, nous voyons bien que c’est dans la discrétion de toutes ces fidélités cachées mais bien réelles et fécondes, que les couples comme les prêtres s’encouragent et s’exhortent, souvent sans se le dire, à tenir leur promesse, le grand « oui » de leur vie. Évidemment, cette fidélité n’est possible que dans des cœurs qui deviennent toujours plus conscients de leur pauvreté et donc de leur dépendance à Dieu et à sa grâce. Voilà pourquoi la fidélité se nourrit de trois grandes postures qui sont d’ailleurs les grandes attitudes des chrétiens. D’abord, l’action de grâce de celui qui croit que tout vient de Dieu. Cette attitude spirituelle se traduit souvent humainement en capacité d’émerveillement. Le prêtre fidèle, n’est-ce pas celui qui, chaque jour dans le secret de l’oraison et ensuite dans son ministère, goûte la joie d’être aimé par le Christ et d’aimer les gens en retour. La gratitude qu’il pourra exprimer et vivre dans la célébration quotidienne de l’eucharistie, prend toujours plus de place dans son cœur de prêtre. Car elle est bien là, en définitive, la source de sa fidélité : la célébration quotidienne de l’eucharistie, l’action de grâce du Christ pour son Père et notre Père. Il y a ensuite l’attitude de celui qui se reconnaît pauvre et pêcheur. Le prêtre, toujours dans la célébration de la messe, redit dans l’offertoire, ces paroles du psaume 50 : « donne-moi un cœur contrit et humilié ». Mystérieusement, la fidélité du prêtre se nourrit et grandit à mesure que le prêtre prend conscience qu’il est pêcheur, et donc pour une part, infidèle. C’est le miracle du pardon. De cette deuxième attitude découle celle de la demande. Le prêtre va alors demander chaque jour à Dieu, au Christ, le pain dont il a besoin. La fidélité est une grâce à demander chaque jour dans un esprit de filiation et d’humilité. Rendre grâce, demander pardon, demander, trois attitudes à la fois très spirituelles et très humaines, tellement humaines qu’elles sont discrètes et ne se font pas remarquer. C’est pour cela qu’on ne les voit pas, c’est pour cela que la fidélité des prêtres ne fait pas de bruit.
Louis-Hervé Guiny + prêtre
Communauté Saint Martin
Nous nous engageons pour l’honneur de Dieu, qui n’a pas besoin de notre défense, mais de notre amour vrai de Lui. Et en pensant à nos prêtres, nous nous sentons partie prenante de leur sainteté qui doit rayonner de vérité, de pureté et de force.
Mr Vianney, curé d’Ars nous remet au cœur de la cible d’amour : « La cause du relâchement du prêtre, c’est qu’on ne fait pas attention à la messe. Hélas, mon Dieu ! Qu’un prêtre est à plaindre quand il fait cela comme une chose ordinaire. …. Je ne me repose que deux fois par jour : A l’autel et en chaire….. Oh ! Que le prêtre est quelque chose de grand ! S’il se comprenait, il en mourrait… ».